Ludia, le studio de jeux vidéo qui a compris les valeurs des personnes autistes

Par URelles
octobre 24, 2019
Michel Blanchet

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Il y a un peu plus d’un an, Michel Blanchet, développeur backend au studio de jeux vidéo Ludia, décide de tenir une présentation devant toute l’entreprise. Parler devant autant de personnes n’est pas dans son habitude, en fait, il est plutôt du genre discret, mais là, il s’agissait d’aborder un sujet qui lui tient très à cœur: à quoi ressemble sa vie professionnelle, celle d’une personne autiste. Michel a le syndrome d’Asperger et s’est donné la mission d’aider les entreprises à embaucher et retenir plus de personnes autistes.

«Il y a une grande diversité de personnes, chez Ludia, des gens et des styles très différents. Ludia est une compagnie ouverte» – Michel Blanchet

Au Québec, seulement 10% des personnes autistes ont un emploi. Michel s’estime chanceux de travailler dans une entreprise qui accommode ses besoins. Lorsqu’il a décidé de prendre la parole devant ses collègues, son but était de montrer comment on peut faciliter l’intégration des personnes autistes dans le milieu du travail et déconstruire quelques idées préconçues. Si Michel a décidé de donner cette conférence à ce moment-là, c’est parce qu’il se sentait prêt, mais également parce qu’il savait que ses collègues allaient accueillir ses propos avec respect. Il raconte: «Il y a une grande diversité de personnes, chez Ludia, des gens et des styles très différents. Ludia est une compagnie ouverte». Une fois sa présentation finie, plusieurs collègues sont venu·es lui dire merci et le féliciter, certains lui ont confié être également autistes ou avoir un·e fils·fille autiste. Mais il y a un type de réaction qui a particulièrement surpris Michel: «Plusieurs personnes m’ont raconté que ce que je disais, dans le fond, c’était du gros bon sens et ça devrait s’appliquer à tous et à toutes, pas seulement aux personnes autistes».

Le développeur backend veut qu’on sache que les autistes font d’excellent·es employé·es. Un exemple? «Les autistes sont très bons en QA (quality assurance, en anglais; les personnes qui s’assurent que les fonctionnalités d’un jeu, un site ou une app sont exempts de bogues). Ils se concentrent sur des détails, ce qui leur permet de trouver des bogues que peut-être d’autres personnes ne verraient pas», explique Michel. C’est, en effet, documenté. En 2009, Laurent Mottron, psychiatre à l’Université de Montréal, découvre que les personnes autistes concentrent davantage leurs ressources cérébrales sur le traitement visuel et moins sur des tâches comme la planification et le contrôle des impulsions. C’est pourquoi les personnes autistes sont jusqu’à 40% plus rapides dans la résolution de problèmes que les autres personnes.

Comment intégrer au mieux les personnes autistes dans le milieu du travail

Être dans le concret

Les personnes autistes ont souvent plus de difficultés avec les questions abstraites traditionnellement posées en entrevue, comme «Quel est votre pire défaut et votre meilleure qualité?» ou encore «Où vous voyez-vous dans 5 ans?». De façon générale, l’entrevue est une grosse barrière, car elle ne permet pas aux personnes autistes de se mettre de l’avant, même si elles possèdent les bonnes qualités pour le poste.

Afin de conduire une entrevue inclusive, il est préférable de mettre la·le candidat·e en situation réelle. Pour un poste de programmation, Michel propose d’asseoir la personne devant un ordinateur avec un début de code source et demander de compléter. Les tests techniques sont généralement la zone de confort des personnes autistes. À son embauche chez Ludia, les recruteurs ne savaient pas que Michel était autiste, mais il a eu la chance d’avoir une entrevue qui comportait beaucoup d’aspects techniques. «C’est grâce à ça que je travaille ici aujourd’hui!», raconte le développeur.

Les tâches dans l’annonce de job doivent être explicites. Utiliser des phrases comme «Nous recherchons un joueur d’équipe» ne sont pas facilement compréhensibles par les personnes autistes. Michel suggère de privilégier: «Participer en équipe à la résolution des problèmes».

L’accompagnement

La première journée d’un·e employé·e dans une nouvelle entreprise est rempli de doutes, de questions, on ne sait pas exactement comment ça va se passer. Michel propose d’avoir un système d’accompagnement par un·e autre employé·e. Quelqu’un qui est prêt à recevoir des questions qu’on n’ose pas poser aux collègues directs ou à notre gestionnaire, comme: où se situe la salle à manger, comment se déroulent les 5 à 7, etc.

Les activités sociales

Les activités sociales peuvent être des moments délicats pour les personnes autistes. Même si Michel aime beaucoup discuter avec les gens, cela reste des moments énergivores. Il est donc important d’expliquer aux collègues que ça n’a rien de personnel si on n’y participe pas à chaque fois. «Je vais aux dîners d’équipe ou aux 5 à 7, mais j’aime également être seul pour manger. J’ai besoin de temps pour me ressourcer. Mes collègues savent que je les aime malgré tout», raconte Michel.

Le lieu de travail

Chez Ludia, les employé.es travaillent dans un lieu ouvert, ce qui permet, certes, de faciliter les interactions, mais peut également être bruyant. Lors du réaménagement des bureaux, Michel a demandé à avoir son bureau dans un coin tranquille, ce qui lui a été accordé. Les collègues de Michel ont appris que s’ils ont besoin d’aller discuter avec le développeur, il ne faut pas le toucher en lui donnant un coup sur l’épaule. À la place, il vaut mieux se mettre dans son champ de vision ou encore, le prévenir en amont qu’on va venir le voir.

Michel, avocat de la cause autiste

Avant d’arriver chez Ludia, Michel traverse une période où il n’arrive pas à obtenir le poste qu’il souhaite. Il a les compétences, mais cela ne se traduit pas en embauche. Il décide donc de se tourner vers quelque chose de complètement différent et devient conducteur de camions pendant un an. À son retour dans le domaine informatique, il a beau dire qu’il est très bon en programmation, on lui reproche de ne pas être à jour. Il cherche alors de l’aide auprès d’organismes, mais ceux-ci sont rarement capables d’aider les personnes qui travaillent à des postes technologiques comme Michel. Sa solution? Il se met à travailler bénévolement sur des projets de programmation pour le jeu Minecraft. Et là, ça débloque! Les recruteurs de chez Ludia voient en lui son plein potentiel et l’embauchent.

Conscient de sa chance, Michel veut maintenant redonner aux autres personnes autistes. Il leur offre de leur expliquer comment naviguer le monde du travail, passer une entrevue, rédiger un CV accrocheur, etc. Il raconte: «il manque de ressources pour les personnes autistes qui ont les qualifications, mais qui ne trouvent pas de travail. Je veux contribuer à changer ça».

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