Johanne Duhaime évolue dans l’industrie des TI depuis 30 ans. Elle est passée par la Banque Nationale et Hydro-Québec, pour ne citer que ces deux-là. Elle est actuellement vice-présidente des technologies de l’information et des communications (CIO) chez Hydro-Québec, où il y a 26% de femmes en TI. La vice-présidente trouve que c’est trop peu et que «c’est pour ça que je parle autant de mon métier. Je veux les intéresser».
Quelles sont les solutions envisagées par la vice-présidente pour contrer la sous-représentation des femmes? Elles sont en trois parties: initier les jeunes filles aux technologies, continuer à inspirer les femmes sur le marché du travail et peut-être bien jusqu’à mettre en place des quotas.
Trente ans de carrière en TI, autant dire qu’elle connaît bien l’industrie et on devine qu’elle a souvent dû être une des seules femmes autour de la table, surtout en montant dans la hiérarchie. On sait que seulement 25% (PDF) des femmes, au pays, sont vice-présidentes, vice-présidentes séniores ou cadres supérieures de la suite C.
Pourtant, Johanne ne se prédestinait pas aux technologies, mais elle avait un trait de caractère nécessaire dans ce milieu: la curiosité. «Lorsque j’étais en début de carrière, on cherchait régulièrement des volontaires pour venir faire des tests sur des produits ou des systèmes technos, pendant la fin de semaine. Personne ne voulait y aller, sauf moi! C’est comme ça que j’ai découvert le métier.» Quand ses employeurs de l’époque ont compris son grand intérêt, ils lui ont offert l’opportunité de devenir chargée de projets. C’est comme ça que son amour pour les TI a commencé. Elle avait 22 ans.
Mais la vice-présidente des technologies de l’information et des communications d’Hydro-Québec ne voulait pas s’en aller en programmation, même si c’était la voie toute tracée à l’époque. Ah ça, non! «Je n’aimais pas la programmation du tout, mais je parlais beaucoup aux développeurs. Je posais plein de questions pour comprendre leur réalité et leur métier. De nos jours, il existe tellement de métiers différents en TI, que devenir développeuse n’en est qu’une partie.»
Johanne Duhaime raconte que le métier est beaucoup plus varié que lorsqu’elle a commencé. Elle remarque que le monde des affaires et le monde des technologies communiquent beaucoup plus. Ces deux départements qui, avant, étaient bien séparés travaillent maintenant conjointement pour trouver des solutions qui répondent aux problèmes du marché. «Il y a 30 ans, c’était impensable qu’une personne comme moi, ne venant pas des TI, devienne CIO!»
«La sous-représentation des femmes en technologie est un sujet qui devrait préoccuper toutes les femmes, mais également tous les hommes. Ce n’est pas un problème de femmes, c’est un problème sociétal!» – Johanne Duhaime
Ce n’est pas courant d’avoir l’opportunité de parler à une femme qui est dans le milieu des technologies depuis si longtemps, car on sait qu’elles quittent l’industrie à un rythme deux fois plus élevé que les hommes. J’ai eu envie de savoir si la place des femmes en technologie était pire dans son temps. Voilà la réponse de Johanne: «Je pense que c’était assez similaire. Même si on pousse les jeunes femmes à s’intéresser à l’industrie, les chiffres n’ont pas beaucoup bougé. La clé pour moi, c’est le système scolaire et le fait d’intéresser les jeunes filles à cette industrie.»
La vice-présidente d’Hydro-Québec était marraine de l’édition 2019 de Les filles et les sciences… Un duo électrisant!, une association qui vise à faire connaître aux adolescentes de secondaire 2 et 3, les professions scientifiques et technologiques. Elle y a même emmené sa fille, souhaitant lui montrer tous les métiers possibles dans ces disciplines, et ça fonctionne! Le principe de pouvoir concrètement montrer ce que ça fait un·e chimiste ou une développeuse, ça aide les jeunes filles à s’intéresser à l’industrie. Johanne Duhaime déplore qu’on ne parle souvent que de jeux vidéo et programmation pour promouvoir la tech. Elle souhaite qu’on «commence à sensibiliser encore plus tôt et remettre à l’horaire les journées carrières dans nos écoles.»
Et pour les femmes qui sont déjà sur le marché du travail, on fait quoi? Hydro-Québec est impliquée auprès de l’Effet A. La vice-présidente met en place des événements inspirants, tels qu’envoyer une délégation de femmes assistée à la conférence de Randi Zuckerberg. Mais les chiffres ne montent ni bien vite ni bien haut. À la vice-présidente de conclure «J’en viens à penser qu’on aurait besoin de quotas. Il y a 5 à 10 ans, je n’étais pas pour, mais je pense que, sans quotas, les choses ne changent pas ou seulement de façon anecdotique. Il faut qu’on mette en place des actions concrètes pour vraiment promouvoir les femmes. Tout le monde a de la bonne volonté, mais la bonne volonté ne change pas le monde. C’est de notre responsabilité à tous.»